Des tricycles-taxis dans Libreville : confusion réglementaire autour d’une initiative non encadrée

2025-06-26 12:00:00
C’est une scène inhabituelle qui a marqué la matinée du mercredi 18 juin dans les rues du cinquième arrondissement de Libreville.
Une vingtaine de tricycles bâchés, aux couleurs vert-jaune, ont été aperçus aux abords de l’échangeur de l’IAI, suscitant autant la curiosité que l’interrogation des riverains. Aux commandes, de jeunes Gabonais souriants, visiblement fiers de prendre part à une nouvelle aventure dans le secteur du transport urbain.
Présentés comme des taxis-tricycles, ces véhicules à trois roues sont venus bousculer un secteur largement dominé par les taxis traditionnels et parfois considéré comme monopolisé par des exploitants expatriés. Si certains Librevillois y voient une opportunité de diversification et de réappropriation nationale du transport urbain, d’autres s’interrogent sur la légalité et la traçabilité de cette initiative nous rapporte le quotidien L'Union.
Aucune administration rencontrée par L’Union ne semble officiellement associée à cette opération. À la mairie du 5e arrondissement, l’on confie n’avoir été ni consulté ni informé : « Nous avons été surpris comme tout le monde de les voir stationnés ici », rapporte un proche du délégué spécial. La Banque pour le Commerce et l’Entrepreneuriat du Gabon (BCEG), souvent associée au financement de tricycles dans les provinces via des crédits avec Finam Gabon, précise que ses tricycles ne sont destinés qu’à l’intérieur du pays, notamment à Mouila et Tchibanga.
Même son de cloche chez le directeur général de Tax-Gab+, qui réfute toute implication : « Je ne suis pas le responsable des tricycles », tranche Curt Myricks Fouty Obeye.
Le mystère semblait entier jusqu’à ce que le nom d’un député de la Transition, Gérard Ella Nguema, soit évoqué comme promoteur du projet à travers la structure Gabon au travail. Ce dernier a été reçu la semaine dernière par la municipalité, qui l’a invité à se conformer à la réglementation en vigueur, notamment en matière d’autorisations de mise en circulation, de couverture d’assurance, de permis de conduire et de conformité technique.
Contacté par L’Union, Gérard Ella Nguema a reconnu être à l’origine de l’initiative. Il affirme que les 25 tricycles sont totalement assurés, disposent de cartes grises, et que des discussions sont en cours avec la mairie pour régulariser leur situation. Il n’a toutefois pas pu produire, à ce jour, les documents justificatifs demandés par la municipalité, notamment lors de son rendez-vous manqué lundi dernier à l’Hôtel de Ville.
Cette affaire soulève une problématique de fond : la régulation du transport à trois roues au Gabon. Selon un cadre du ministère des Transports, aucun texte en vigueur ne régit à ce jour ce type de véhicules dans le transport public urbain. Une situation préoccupante dans un pays où le secteur du transport est à la fois vital et fortement encadré, notamment pour des raisons de sécurité et de fiscalité.
Pour l’heure, les autorités municipales disent se saisir du dossier. Le directeur de cabinet et le directeur des Transports de la mairie de Libreville ont indiqué avoir découvert l’existence de ces tricycles via les réseaux sociaux, avant d’enclencher des vérifications sur le terrain.
Alors que les taxis-tricycles continuent de circuler sporadiquement à Libreville, une clarification réglementaire et administrative devient urgente. L’opinion publique, les syndicats du transport et les administrations attendent désormais que les règles du jeu soient fixées : soit en encadrant légalement ce type d’initiative, soit en suspendant toute exploitation illégale.
L’Hôtel de Ville assure vouloir favoriser l’innovation et l’entrepreneuriat, mais dans le strict respect des normes en vigueur, pour éviter l’anarchie dans un secteur déjà sensible.