Caisses des Dépôts : La CEMAC impose la règle, le Cameroun et le Gabon ouvrent la voie



2025-07-21 16:18:00

« Chaque État de la CEMAC, exception faite du Cameroun et du Gabon, doit mettre sur pieds une Caisse des Dépôts et Consignations »



Le banquier- consultant analyse deux règlements, notamment le règlement N°01/25/CEMAC/UMAC/CM/COBAC, relatif aux conditions d’exercice et à la supervision de l’activité des caisses des dépôts et consignations dans la CEMAC ; et le règlement N°02/25/CEMAC/UMAC/CM/COBAC, relatif au traitement des comptes inactifs et des avoirs en déshérence dans les livres des établissements assujettis à la COBAC.

 

Le 12 Juillet 2025, le Comité Ministériel de la CEMAC présidé par Monsieur Ivan BACALE EBE MOLINA (Ministre des finances de la République de Guinée Equatoriale), a adopté et publié deux (02) règlements, notamment le règlement N°01/25/CEMAC/UMAC/CM/COBAC, relatif aux conditions d’exercice et à la supervision de l’activité des caisses des dépôts et consignations dans la CEMAC ; et le règlement N°02/25/CEMAC/UMAC/CM/COBAC, relatif au traitement des comptes inactifs et des avoirs en déshérence dans les livres des établissements assujettis à la COBAC. L’adoption de ces règlements vient ainsi mettre un terme à une longue période de crise entre les caisses des dépôts et consignations du Cameroun et du Gabon et la COBAC, qui s’opposaient à une supervision de la COBAC au nom de leur souveraineté. Ces règlements entrent en vigueur dès le 1er Septembre 2025.

Cette situation de crise avait vu le jour le 11 Juillet 2024, après que le Secrétaire Général de la COBAC (Commission Bancaire de l’Afrique Centrale) Monsieur Marcel ONDELE, par la lettre référencée LC-COB/21/DREGRI/DRNM/TPO, ait instruit aux dirigeants des établissements de crédit, des établissements de Microfinance et des établissements de paiement, tous de droit camerounais,  « de sursoir au processus de transfert des avoirs en déshérence au profit de la CDEC du Cameroun » jusqu’à ce que soient clarifiées « la nature de ces avoirs, ainsi que la définition des modalités de conservation, de gestion, voire de restitution de ces valeurs », sachant qu’il n’existait pas à cette date un cadre réglementaire dans la CEMAC régissant ces points. Cette instruction fit obstruction au décret N°2023/08500/PM du 01 Décembre 2023, du Premier Ministre, Chef du Gouvernement camerounais Chef Dr. Joseph DION NGUTE, qui fixait au Cameroun, les modalités de transfert des fonds et les valeurs dévolus à la Caisse des Dépôts et Consignations ; dont l’article 2 donnait à ces établissements le 31 Mai 2024 comme date limite de transfert dans les comptes ouverts de la CDEC, les fonds et/ou les valeurs de dépôts et de consignations.

Face à cette crise et face au laxisme de la COBAC par le passé à définir un régime des caisses des dépôts et consignations en CEMAC, après que son Secrétariat Général ait été saisi par les autorités gabonaises en 2019, celles-ci désirant s’enquérir des prérequis pour l’obtention d’un agrément spécifique aux missions de la CDC (Caisse de dépôts et consignations) au GABON, nous proposâmes à cette époque entre autres : le dialogue et la concertation ; la révision des procédures des caisses des dépôts et consignations ; une communication transparente ; le renforcement de la supervision de la COBAC ; etc. Nous nous réjouissons qu’un an exactement après, ces recommandations aient été respectées et que grâce au leadership pro-actif du Gouverneur de la BEAC Monsieur Yvon SANA BANGUI et son équipe de la COBAC sur la question, la CEMAC est aujourd’hui propriétaire d’un cadre réglementaire sur les caisses des dépôts et consignations, pour une meilleure sécurité des avoirs des déposants, une solidité et une stabilité du système bancaire et financier de la CEMAC, via désormais une meilleure appréciation des risques de non-respect des normes prudentielles, que faisait courir le transfert expéditif et non encadré par la COBAC, des fonds en déshérence des établissements assujettis au profits des caisses de dépôts et consignations. Tout est à l’honneur du Gouverneur de la BEAC et de la COBAC, pour nous avoir épargné cette fois-ci d’un risque systémique et des lenteurs administratives connues aux institutions sous régionales et nationales.

 À la lecture de ces nouveaux règlements, les bénéficiaires des opérations des caisses des dépôts et consignations sont désormais connus. L’alinéa 3 de l’article 3 du Règlement N°01/25/CEMAC/UMAC/CM/COBAC précise qu’« il est interdit aux caisses des dépôts et consignations de réaliser directement des opérations de banque au profit des particuliers ». La règlementation relative aux conditions d’exercice et à la supervision des établissements de crédit s’applique mutatis mutandis aux caisses des dépôts et consignations désormais. C’est-à-dire que les règlementations appliquées aux caisses des dépôts et consignations jusqu’ici, doivent désormais être appliquées avec des ajustements nécessaires qui prennent en compte les dispositions des nouveaux règlements qui consacre la supervision des caisses des dépôts et consignations de la CEMAC à la COBAC à l’Article 10 du Règlement N°01/25/CEMAC/UMAC/CM/COBAC.

La COBAC fixera désormais aux caisses des dépôts et consignations de la CEMAC, les règles : de gouvernement d’entreprise (nombre et qualité des dirigeants) ; les normes prudentielles quantitatives ; de surveillance et de contrôle (gestion de risques, contrôle interne et externe, lutte contre le blanchiment des capitaux, etc.) ; d’organisation comptable et d’information financière ; les modalités de reporting financière. Les États de la CEMAC disposant d'une législation instituant une Caisse des Dépôts et Consignations (notamment le Cameroun et le Gabon), à l’entrée en vigueur de ces règlements, devront prendre les mesures nécessaires, en concertation avec la COBAC, pour la mise en conformité des textes nationaux à ces règlements, dans un délai d'un an c’est-à-dire jusqu’au 31 Août 2026 à compter de la date de leur entrée en vigueur (le 1er Septembre 2025).

Les Caisses des Dépôts et Consignations en activité dans la CEMAC, doivent transmettre le 1er Septembre 2025 à la COBAC, un descriptif détaillé de leurs activités, assorti de l'ensemble de leurs états financiers annuels certifiés. Elles disposent d'une période transitoire de trois (03) ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 Août 2029 pour se conformer aux dispositions de ces nouveaux règlements.

Le règlement N°02/25/CEMAC/UMAC/CM/COBAC qui a pour objet de fixer les règles relatives au traitement des comptes et coffres inactifs et des avoirs en déshérence dans les livres des établissements assujettis à la COBAC, sauf ceux faisant l’objet d’une mesure de saisie ou de gel résultant d’une décision de justice ou de l’administration, s'applique aux établissements de crédit, aux établissements de microfinance, aux établissements de paiement, aux Caisses des Dépôts et Consignations qui exercent leurs activités dans la CEMAC. Il renseigne que les établissements assujettis ont désormais 07 à 09 ans (respectivement pour les comptes d’épargne et les comptes courants), pour rechercher les bénéficiaires ou ayants-droits des comptes inactifs, lorsqu’ils ne parviennent pas à informer le titulaire du compte ou du coffre, son mandataire ou son ayant droit connu, afin que les fonds de ceux-ci ne soient pas considérés comme des avoirs en déshérence à la fin du délai.

Si la loi nationale du Cameroun (notamment le décret N°2023/08500/PM du 01 Décembre 2023, du Premier Ministre, Chef du Gouvernement camerounais Chef Dr. Joseph DION NGUTE) donnait 05 ans aux établissements assujettis à la COBAC, après constatation d’inactivité d’un compte (01 an pour les comptes courants, 03 ans pour les comptes d’épargnes) pour transférer son contenu à la CDEC, la règlementation COBAC leur donne désormais 10 ans. Ceci donne plus de manœuvre aux établissements assujettis dans la gestion de ces encours de dépôts (ou avoirs non réclamés), contenus dans leurs livres.

Les établissements assujettis sont désormais tenus de transmettre à la COBAC et à la Caisse des Dépôts et Consignations du pays d'implantation ou, le cas échéant, à la Direction Nationale de la BEAC, au plus tard le 31 mars de l'exercice suivant, un rapport annuel sur la situation des comptes et coffres inactifs dans leurs livres et les actions de recherche menées. La COBAC fixe le format et les modalités de transmission du rapport annuel sur la situation des comptes et coffres inactifs. Ainsi, les premiers rapports sur les comptes et coffres inactifs des assujettis à la COBAC, devront voir le jour dès le 31 Mars 2026. À l'issue d'une période de dix (10) ans d'inactivité du compte ou d'un coffre, l'établissement assujetti procède au transfert des avoirs en déshérence à la Caisse des Dépôts et Consignations de l'État où le compte est ouvert.

En l'absence d'une Caisse des Dépôts et Consignations ou de toute autre structure équivalente, les avoirs en déshérence sont transférés à la Direction nationale de la BEAC. Ce sera le cas pour ces pays de la CEMAC qui n’ont pas encore de Caisse des Dépôts et Consignations. Chaque État de la CEMAC exception faite du Cameroun et le Gabon, doit dès à présent mettre sur pieds une Caisse des Dépôts et Consignations ou toute autre structure équivalente, afin de bénéficier de ces fonds pour soutenir le développement de son économie, au lieu que ces fonds soient abandonnés dans les livres de la BEAC lorsqu’ils ne sont pas encore frappés de prescription.

Contrairement à la Loi n°2008/003 du 14 avril 2008 du Cameroun, régissant les dépôts et consignations qui établissait que le taux et le mode de calcul des intérêts des comptes de dépôts ouverts auprès de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que des sommes consignées sont fixés par voie réglementaire, Le règlement N°02/25/CEMAC/UMAC/CM/COBAC stipule que désormais, les conditions de rémunération des avoirs en déshérence gérés par les Caisses des Dépôts et Consignation ou les Directions Nationales de la BEAC sont fixées par le Comité de Politique Monétaire de la BEAC.

Au sujet de la récupération des avoirs transférés aux caisses de dépôts et consignations par les bénéficiaires, si le décret N°2023/08500/PM du 01 Décembre 2023, du Premier Ministre, Chef du Gouvernement camerounais Chef Dr. Joseph DION NGUTE était moins précis sur la procédure de récupération de ceux-ci, notamment le délai de leur mise à disposition, le règlement N°02/25/CEMAC/UMAC/CM/COBAC est plus précis et dispose  qu’en cas d’exactitude et de fiabilité de l’identité de tout agent économique de la CEMAC, dont ses fonds sont passés au statut de déshérence et transférés dans les livres de la BEAC nationale de son pays ou ceux de la caisse des dépôts et consignations, après sa demande de restitution desdits fonds auprès de l’une de ces institutions, ces fonds lui seront remboursés dans un délai maximal de 02 mois sauf en cas de refus de restitution via avis non favorable, pour des motifs qui lui seront notifiés.