Commerce intra-CEMAC : le Gabon dépasse le Cameroun et devient son premier fournisseur régional



2025-06-29 17:06:00

Longtemps relégué au rang de partenaire commercial secondaire dans l’imaginaire collectif sous-régional, le Gabon s’impose désormais comme le principal fournisseur du Cameroun au sein de la CEMAC. Un renversement discret mais lourd de sens, qui illustre les mutations silencieuses de l’économie gabonaise sous l’effet des réformes engagées depuis plusieurs années.



Les données cumulées de 2019 à 2023 sont sans appel : 214 400 tonnes de marchandises gabonaises ont été exportées vers le Cameroun, pour une valeur totale de 143,9 milliards de francs CFA, faisant de Libreville le premier partenaire commercial de Yaoundé dans l’espace communautaire. En 2022 seulement, le Gabon a vendu pour 58 milliards de FCFA de biens à son voisin, contre 25,2 milliards d’importations, creusant un excédent commercial inédit de 32,8 milliards en sa faveur. Un tel déséquilibre était encore impensable il y a dix ans.



Les moteurs de la performance gabonaise



Cette dynamique repose sur plusieurs leviers stratégiques. D’abord, la montée en puissance de la filière huile de palme, dopée par les investissements de sociétés telles qu’Olam Palm Gabon : la production nationale est passée de 70 300 tonnes en 2020 à près de 130 000 tonnes attendues en 2024, ce qui place le Gabon parmi les leaders de la sous-région. Ensuite, la politique de transformation locale du bois, instaurée dès 2010, a porté ses fruits. En 2022, 69 % du bois exploité au Gabon était transformé sur place, et ce secteur représentait 60 % des exportations vers le Cameroun.


À l’inverse, les exportations camerounaises vers le Gabon se concentrent encore sur des denrées périssables (fruits, légumes), une dépendance que Libreville entend résorber. Le Plan national de développement de la Transition (PNDT) vise une réduction de 50 % des importations alimentaires d’ici fin 2025, notamment via la relance des cultures vivrières locales. L’objectif : faire du Gabon un exportateur net de tomates, oignons et autres produits maraîchers dans la sous-région.



Une vision affirmée de l’intégration régionale



Le Gabon ne se contente pas d’exporter : il structure aussi ses échanges. 1,5 milliard de FCFA seront investis entre 2024 et 2026 dans la création de marchés transfrontaliers modernes à Bitam et Eboro, à la frontière camerounaise. Ces infrastructures sécurisées favoriseront le commerce formel, amélioreront les conditions d’échange pour les petits commerçants, et renforceront l’intégration économique.


Au-delà des chiffres, ce renversement de la balance commerciale traduit une réalité géoéconomique nouvelle : le Gabon n’est plus un acteur passif de la CEMAC, mais un pôle de production, d’exportation et de planification, capable de rivaliser — et parfois de devancer — ses voisins traditionnellement plus peuplés ou plus industrialisés.


Le message est clair : Libreville veut désormais peser dans l’économie régionale non par la taille, mais par la stratégie.