Gabon : le RPM de Barro Chambrier suspens un de ses cadres pour des faits jugés non conforme à la ligne du Parti



2025-08-06 15:56:00

La suspension brutale de Joyce Laffite Ntsegue, secrétaire exécutif adjoint chargé de la communication du Rassemblement pour la Patrie et la Modernité (RPM), jette une lumière crue sur les tensions internes d’un parti en quête de positionnement dans l’échiquier politique de la Vᵉ République. En choisissant de sanctionner l’un de ses cadres pour avoir critiqué l’investiture d’anciens dignitaires du PDG par l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), le RPM d’Alexandre Barro Chambrier semble s’éloigner de l’esprit de rupture post-30 août, au risque de brouiller sa propre ligne idéologique.



Une suspension express, révélatrice de tensions profondes

C’est un communiqué laconique mais lourd de sens qui a été publié ce mardi 5 août 2025, signé par Jean Robert Goulongana, président par intérim du RPM. Joyce Laffite Ntsegue, par ailleurs porte-parole n°2 du parti, est suspendu « à titre conservatoire » pour avoir exprimé, dans un post Facebook viral, son rejet de l’investiture par l’UDB de plusieurs anciens cadres du Parti Démocratique Gabonais (PDG), symbole décrié de l’ancien régime.

« Nous n’allons pas reconstruire le Gabon avec ceux qui l’ont détruit. Hier candidats d’Ali Bongo Ondimba, aujourd’hui candidats de Brice Clotaire Oligui Nguema… Où est l’arnaque ? », écrivait-il, reprenant un discours largement relayé dans l’opinion depuis le Dialogue national inclusif.

Le Dialogue national à l’épreuve du pragmatisme politique

Car cette prise de position, bien que individuelle, résonne avec une revendication largement exprimée par les Gabonais lors du Dialogue d’Avril : tourner définitivement la page du système Bongo-PDG. En cela, Joyce Laffite Ntsegue n’a fait que verbaliser un malaise croissant, face au retour par la grande porte d’acteurs politiques identifiés au régime déchu.

La réaction du RPM, en sanctionnant une voix dissonante, peut dès lors être interprétée comme un reniement des principes de renouvellement politique que le parti avait lui-même défendus. L’argument de « cohésion de l’alliance » avancé par la direction, peine à convaincre une partie de la base militante, qui y voit plutôt un signe d’alignement excessif sur la ligne présidentielle.

Une alliance stratégique sous tension

L’affaire survient dans un contexte électoral tendu, où l’UDB, parti du président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, a investi des candidats sur des circonscriptions déjà ciblées par le RPM. En d’autres termes, l’alliance UDB-RPM n’a, pour l’heure, ni pacte de non-agression, ni répartition claire des zones d’influence. Dès lors, que vaut une coalition où les partenaires se concurrencent frontalement ?

Cette confusion stratégique interroge sur la nature même de l’alliance et la place réelle laissée aux formations satellites. Le RPM, qui se veut force d’appoint crédible, risque de perdre en autonomie, en lisibilité, et à terme, en électorat.

Barro Chambrier à un tournant

Pour Alexandre Barro Chambrier, la sanction contre Joyce Laffite Ntsegue constitue un test politique. Peut-il défendre l’indépendance de sa formation tout en restant dans le périmètre rapproché du pouvoir ? Peut-il revendiquer l’héritage de l’opposition à Ali Bongo, tout en s’accommodant du recyclage politique de ses anciens fidèles ? À trop vouloir ménager la présidence, le RPM pourrait se couper de ses soutiens historiques, en particulier dans les cercles de la société civile et de la jeunesse urbaine, sensibles aux symboles de rupture.

Dans une République qui promettait davantage de pluralisme, d’éthique et de liberté de ton, la mise à l’écart d’un cadre pour avoir exprimé un désaccord idéologique renvoie une image inquiétante : celle d’une démocratie en gestation où l’unanimisme politique refait surface, sous de nouveaux habits.