Gabon : une politique d’exonérations fiscales trop coûteuse ? La Banque mondiale tire la sonnette d’alarme

2025-08-06 15:49:00
Au Gabon, les incitations fiscales accordées aux entreprises pour stimuler les investissements étrangers et locaux ne semblent plus convaincre les partenaires techniques et financiers. Dans une récente note d’analyse, la Banque mondiale alerte sur l’ampleur des pertes générées par cette politique : 192 milliards de FCFA par an, soit l’équivalent de plus de 3 % du PIB national.
Une somme colossale, à l’heure où les finances publiques font l’objet d’un encadrement strict, dans un contexte de Transition politique censé poser les bases d’un nouveau modèle de développement, plus équitable et soutenable.
« Ces exonérations n’atteignent pas toujours leurs objectifs initiaux et grèvent les ressources nécessaires pour financer les services publics essentiels, comme l’éducation, la santé ou les infrastructures », souligne la Banque mondiale.
Dans le détail, ces pertes proviennent majoritairement des allègements fiscaux accordés dans les zones économiques spéciales (ZES), du Code des investissements, mais aussi d’exonérations douanières octroyées parfois sans transparence. Résultat : des secteurs jugés stratégiques profitent d’un traitement de faveur, sans que l’impact économique à long terme soit toujours mesurable.
D’autant que les évaluations indépendantes du retour sur investissement de ces politiques fiscales se font rares. Or, selon les experts de la Banque mondiale, la fiscalité incitative doit être strictement encadrée, assortie de critères clairs, de contreparties précises et d’une évaluation périodique des bénéfices économiques réels.
La Banque mondiale invite donc le gouvernement gabonais à recentrer sa politique fiscale sur l’efficacité, la transparence et l’équité. Une réforme en profondeur du système d’exonérations est jugée urgente, notamment en identifiant les niches fiscales non productives, et en renforçant les mécanismes de contrôle et d’évaluation.
Cet appel intervient à un moment charnière pour le Gabon. Alors que le Président Brice Clotaire Oligui Nguema a placé son action sous le sceau de la rationalisation des dépenses publiques, cette interpellation internationale pourrait servir de levier pour une réforme courageuse de la fiscalité.
« Il faut que l’État recouvre sa capacité à financer son développement sur ses propres ressources », glisse un haut fonctionnaire du ministère du Budget.
La question centrale demeure : comment continuer à séduire les investisseurs sans brader les recettes fiscales ? Pour la Banque mondiale, la compétitivité d’un pays ne repose pas uniquement sur des avantages fiscaux, mais sur la qualité de son environnement des affaires, la stabilité de ses institutions, la transparence administrative et la disponibilité des infrastructures.
En clair, il s’agit de substituer à une logique de "cadeaux fiscaux" une politique d’attractivité basée sur la gouvernance, la sécurité juridique et la performance des services publics. Un défi que le Gabon pourrait relever, à condition d’opérer un virage stratégique et de faire preuve de rigueur dans l’allocation de ses ressources.