Port-Gentil : une session criminelle sous pression entre attentes populaires et urgence judiciaire

2025-07-17 11:19:00
jeudi s’ouvre au tribunal de première instance de Port-Gentil une session criminelle d’envergure. Soixante affaires sont inscrites au rôle, dont près de 90 % relèvent de deux infractions : le viol sur mineur et le vol qualifié. Pendant près d’un mois, la juridiction va s’efforcer de résorber un contentieux lourd dans une ville où la soif de justice est palpable, et où la lenteur des procédures alimente l’exaspération des victimes comme des professionnels.
À la veille de la fête nationale du 17 août et dans un climat préélectoral marqué par une forte attente sociale, cette session revêt un caractère particulier. Pour faire face à l’ampleur du rôle, des audiences auront lieu exceptionnellement les samedis — une mesure rare, qui traduit la pression sur les institutions judiciaires et l’urgence de vider les geôles surpeuplées.
Cette décision révèle aussi, en creux, les limites structurelles d’un système judiciaire en quête de moyens, confronté à des retards endémiques dans le traitement des affaires. De nombreux prévenus, notamment ceux en détention provisoire prolongée, attendent depuis des mois, parfois plus d’un an, que leur sort soit enfin fixé.
La session met en lumière une réalité préoccupante : la recrudescence des crimes sexuels sur mineurs, qui constituent une large part des dossiers. Des faits qui, souvent, s’enracinent dans le huis clos familial ou dans les cercles de confiance — rendant leur détection difficile, et leur poursuite encore plus délicate.
Ces chiffres alarmants posent de manière brutale la question de la prévention, de la protection de l’enfance, et du rôle des services sociaux. Si la répression est indispensable, elle ne saurait, à elle seule, répondre à une crise qui mêle silence, tabous et impunité.
À cela s’ajoute une multiplication des vols qualifiés, parfois violents, révélateurs d’un climat d’insécurité qui gagne certains quartiers. Là encore, la justice est appelée à dire le droit, mais sans réponse coordonnée des forces de sécurité et des politiques publiques locales, le tribunal ne pourra être qu’un dernier rempart.
Ce calendrier resserré, cette concentration d’affaires graves, et l’exceptionnalité des audiences du week-end témoignent d’un moment de vérité pour l’appareil judiciaire de Port-Gentil. Pour les magistrats, greffiers, avocats et personnels pénitentiaires, l’enjeu est double : rendre une justice rapide, sans sacrifier l’équité et la rigueur du débat contradictoire.
Au-delà des verdicts attendus, cette session servira aussi de baromètre. Car si la justice parvient à répondre à l’attente, elle restaurera un peu de confiance dans une institution souvent critiquée pour ses lenteurs. Dans le cas contraire, elle risque de renforcer le sentiment d’abandon qui ronge une partie de la population.
Dans cette capitale économique du Gabon, où convergent les frustrations sociales, l’inquiétude sécuritaire et la méfiance institutionnelle, la justice joue gros. Le tribunal de Port-Gentil ne juge pas seulement des crimes : il est aussi jugé, en retour, sur sa capacité à rendre une justice digne, humaine et efficace.
Le rendez-vous est donc fixé. Reste à savoir si cette session sera un tournant ou une simple parenthèse.