Respect de la constitution : quand Patrice Talon inspire le respect

2025-08-05 11:07:00
Au Bénin, le président Patrice Talon a confirmé qu’il ne briguera pas un troisième mandat en 2026. Une décision rare sur le continent africain, qui vient renforcer son image d’homme de rupture, fidèle à ses engagements, dans un environnement politique où la tentation de l’éternité au pouvoir reste forte. Retour sur un parcours hors norme et un choix politique lourd de symboles.
Né le 1er mai 1958 à Ouidah, Patrice Talon suit des études scientifiques à l’Université de Dakar, forgeant un esprit rigoureux et analytique. En 1985, il crée la Société de Distribution Inter-Continentale (SDI), se positionnant rapidement comme un acteur central du négoce du coton au Bénin. Surnommé le “roi du coton”, il bâtit un empire diversifié dans l’hôtellerie, la logistique et les services portuaires. En 2015, Forbes estime sa fortune à près de 400 millions de dollars.
Soutien initial de Thomas Boni Yayi, Patrice Talon tombe en disgrâce en 2012, accusé de tentative d’empoisonnement et d’atteinte à la sûreté de l’État. Exilé en France, il obtient un non-lieu en 2013 avant de bénéficier d’une grâce présidentielle l’année suivante. En 2016, il fait son retour sur la scène politique en se présentant à la présidentielle en tant qu’indépendant. Porté par la "Coalition de la rupture", il l’emporte avec 65 % des voix au second tour.
À la tête de l’État, Talon lance un ambitieux Programme d’Action du Gouvernement (PAG), visant à transformer les infrastructures, attirer les investissements et moderniser l’économie. Routes, hôpitaux, marchés modernes, énergie solaire : les projets se multiplient. Réélu en 2021 avec 86 % des suffrages, il assoit son autorité mais suscite également des critiques pour sa gestion musclée du champ politique, notamment l’adoption de lois électorales restrictives et la répression d’opposants.
Le 24 décembre 2023, Talon met fin aux spéculations : il ne se représentera pas en 2026. Ce choix s’inscrit dans la continuité d’une position affirmée dès 2016, lorsqu’il proposait de limiter la présidence à un mandat unique de six ans. Bien que cette réforme ait été rejetée par le Parlement, Talon a réitéré à plusieurs reprises, notamment en 2021 sur RFI/France 24, son refus de briguer un mandat supplémentaire.
À une époque où nombre de chefs d’État africains modifient la Constitution pour rester au pouvoir, cette décision tranche : elle renforce l’image d’un dirigeant attaché au respect des règles, et redonne au Bénin un crédit démocratique précieux.
Mais cette sortie annoncée laisse aussi entrevoir une succession délicate. Aucun dauphin naturel ne semble s’imposer au sein de la majorité. Des figures comme la vice-présidente Mariam Chabi Talata, le ministre des Finances Romuald Wadagni, Pascal Irénée Koupaki ou encore Abdoulaye Bio Tchané sont évoquées. En parallèle, l’arrestation en septembre 2024 d’Olivier Boko, proche de Talon, pour un présumé complot, rappelle que les luttes de pouvoir en coulisse sont déjà en cours.
Le principal défi pour Talon sera désormais d’organiser une transition démocratique sans anicroche, sans manipulation institutionnelle, afin que l’exemplarité affichée ne soit pas ternie par des calculs de fin de règne.