Succès Masra condamné à 20 ans de réclusion : un coup dur pour l’opposition tchadienne dans un contexte politique tendu

2025-08-12 10:23:00
Le leader de l’opposition tchadienne, Succès Masra, figure emblématique du parti Les Transformateurs et ancien Premier ministre de la transition, a été condamné samedi 9 août 2025 à une peine de 20 ans de réclusion criminelle assortie d’une amende d’un milliard de francs CFA, selon des sources judiciaires relayées par l’Agence tchadienne de Presse (APA).
Cette décision intervient à l’issue d’un procès qui s’est ouvert début août devant la cour criminelle de N’Djamena, où Masra et 58 autres accusés étaient poursuivis pour des accusations graves, notamment diffusion de messages à connotation xénophobe et raciste, association de malfaiteurs, incitation à l’insurrection, complicité de meurtres, ainsi qu’implication dans les violences meurtrières ayant causé la mort de 76 personnes dans la localité de Mandakao.
Le procureur général avait requis une peine plus lourde, allant jusqu’à 25 ans de prison et une amende totale de 5 milliards de francs CFA, assortie de la saisie des biens des accusés au profit de l’État. Neuf co-accusés devraient néanmoins être acquittés pour absence de preuves. Economiste diplômé de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et ancien consultant international, Masra était rentré au Tchad en 2024 dans le cadre des Accords de Kinshasa, mettant fin à son exil politique. Il avait brièvement occupé le poste de Premier ministre de la transition avant de démissionner avant la présidentielle de mai 2024, qu’il avait critiquée comme biaisée et non inclusive.
La condamnation de Masra s’inscrit dans un contexte post-transitionnel marqué par l’installation d’un pouvoir civil après quatre ans de transition militaire et la promulgation d’une nouvelle Constitution en décembre 2024. Malgré quelques tentatives de dialogue, les tensions politiques sont restées vives, notamment suite aux critiques virulentes de Masra à l’encontre du régime en place. Son arrestation en mai 2025 et son procès révèlent une volonté manifeste du gouvernement de réaffirmer son autorité face à une opposition jugée radicale.
Cette affaire illustre les défis majeurs auxquels le Tchad est confronté : affaiblissement du pluralisme politique, fragilité sécuritaire notamment aux frontières, et une crise socio-économique persistante. La lourde sanction infligée à Succès Masra soulève des interrogations quant à l’espace démocratique et à la capacité du pays à gérer pacifiquement ses différends politiques dans une période cruciale de son histoire.