Refus de dépôt des comptes de campagne : Alain-Claude Bilie-By-Nze s'expose-t-il à des poursuites judiciaires ?

2025-06-26 17:39:00
Le 25 juin 2025 marquait l’échéance légale fixée par la Cour des comptes pour la remise des comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle gabonaise.
Une exigence claire du Code électoral, que l’ancien Premier ministre et candidat indépendant Alain-Claude Bilie-By-Nze a publiquement rejetée, estimant que cette obligation serait inconstitutionnelle dès lors qu’il n’a perçu aucun financement public. Mais sur le plan strictement juridique, une telle position pourrait-elle exposer l’ancien chef du gouvernement à des poursuites judiciaires, voire à une inéligibilité ? Analyse.
Aux termes de l’article 369 de la loi organique n°001/2025 du 19 janvier 2025 portant Code électoral en République gabonaise, tout candidat à une élection présidentielle est tenu, dans un délai de 60 jours après la proclamation officielle des résultats, de déposer auprès de la Cour des comptes un état détaillé de ses comptes de campagne. Ce dépôt doit inclure l’origine des financements, le détail des dépenses engagées, ainsi que l’ensemble des pièces justificatives. La loi ne fait aucune distinction entre les candidats ayant perçu des fonds publics et ceux ayant financé leur campagne exclusivement sur fonds propres ou à l’aide de contributions privées.
Dans cette perspective, le refus d’Alain-Claude Bilie-By-Nze de se conformer à cette exigence légale, sous prétexte qu’il n’a reçu « pas un copeck » de l’État, constitue un manquement manifeste à la loi. Ce positionnement ne saurait l’exonérer de ses obligations électorales, d’autant plus que la Cour des comptes elle-même a précisé que l’objet du contrôle n’est pas uniquement l’usage des fonds publics, mais bien l’ensemble des ressources mobilisées pour la campagne, quel qu’en soit l’origine.
La loi électorale est claire : le non-respect de cette obligation peut entraîner de lourdes conséquences. Il est expressément prévu que si un candidat refuse de produire ses comptes ou s’il le fait de manière frauduleuse, la Cour des comptes est en droit de prononcer sa mise en cause personnelle, avec des sanctions pécuniaires, une éventuelle inéligibilité pour une période allant de cinq à dix ans, et le cas échéant, la transmission du dossier au procureur de la République. Autrement dit, l’affaire pourrait bel et bien connaître une suite judiciaire.
Dans le cas spécifique d’Alain-Claude Bilie-By-Nze, son refus catégorique et assumé, exprimé lors d’une conférence de presse officielle, pourrait être considéré comme une infraction volontaire à la loi électorale. Dès lors, la Cour des comptes serait fondée à enclencher les procédures prévues par le Code, y compris le déclenchement de poursuites pénales pour manquement aux obligations électorales.
À ce stade, deux hypothèses se profilent : soit le candidat indépendant décide de revenir sur sa position et dépose in extremis ses comptes, auquel cas il se met en conformité avec la loi ; soit il persiste dans son refus, auquel cas il prend le risque réel de voir sa responsabilité engagée, avec à la clé une éventuelle procédure judiciaire pouvant aboutir, à terme, à des sanctions lourdes, voire à une incarcération en cas de condamnation pour infraction grave liée au financement électoral.
Ainsi, au-delà du débat politique ou de la contestation du cadre légal, la question centrale reste celle du respect de l’État de droit. Car si la loi est contestable, elle ne saurait être ignorée. En démocratie, nul n’est au-dessus de la loi, et les candidats à la magistrature suprême sont, plus que quiconque, appelés à en donner l’exemple.